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Les ondes sismiques engendrées par un tremblement de Terre ne seront étudiables que si elles sont enregistrées, en quelque sorte « matérialisées » sur un support : papier, ou écran d'ordinateur. Le problème qui se pose est donc la mise en oeuvre d'un instrument capable de restituer les vibrations du sol sous une forme utilisable. Les difficultés de ce projet sont multiples ; en effet, cet appareillage doit parvenir à :
On le comprend, l'enregistrement des mouvements du sol constitue un processus complexe, qui implique plusieurs tâches plus ou moins indépendantes. Chacun des sous-processus est assuré par un appareil différent, et la chaîne d'acquisition complète porte le nom de sismographe.
La détection des vibrations est assurée par un capteur mécanique appelé sismomètre. La quasi-totalité des sismomètres fonctionne sur le principe du pendule inertiel : le cadre de l'appareil est solidaire du sol (souvent enterré ou scellé), et on observe les oscillations d'une masse qui lui est attachée par des ressorts ou des bras de levier. Lorsque le sol et le cadre entrent en mouvement, la masse se déplace avec un temps de retard du fait de son inertie, de la même façon que le passager d'une automobile se retrouve projeté vers l'avant à la suite d'un freinage brutal. La masse est ensuite rappelée (par le ressort, dans le cas d'un pendule vertical) vers sa position d'équilibre, qu'elle finit par rejoindre après des oscillations plus ou moins prolongées. Un système d'amortissement (en général électromagnétique) permet de réduire au maximum ces oscillations qui ne reflètent pas le mouvement du sol.
La masse est solidaire du bâti grâce au ressort. Lorsque le sol est animé d'un mouvement vertical, le ressort commence par se comprimer ou se détendre, et la masse réagit avec un temps de retard. Elle oscille ensuite jusqu'à retrouver sa position d'équilibre initiale. Ses oscillations sont atténuées par le système d'amortissement, schématisé ici sous la forme d'un piston.
La masse est solidaire du bâti grâce à un système de bras de leviers et un axe de rotation incliné. Lorsque le sol est animé d'un mouvement horizontal, elle est déplacée de sa position d'équilibre, qu'elle rejoindra après avoir oscillé.
Le pendule représenté ci-dessus n'est pas amorti, et les oscillations de la masse seront donc peu représentatives du mouvement du sol.
Les mouvements du sol consécutifs au passage des ondes sismiques sont dits polarisés : leur amplitude n'est pas la même dans toutes les directions. Afin de reconstituer ces mouvements dans l'espace, on aura besoin de deux types de sismomètres. On parlera de sismomètres verticaux ou horizontaux, suivant la composante du mouvement du sol qui excitera les oscillations du pendule. Un pendule vertical est composé schématiquement d'une masse suspendue au bâti par un ressort de rappel. Dans un pendule horizontal, c'est souvent par l'intermédiaire d'un système de bras de levier que la masse est solidaire du bâti. L'utilisation conjointe d'un sismomètre vertical et de deux sismomètres horizontaux orientés à 90 degrés permet de reconstruire facilement le mouvement du sol en trois dimensions. On appelle souvent sismomètre à trois composantes une telle association de sismomètres.
Comme tout système mécanique, le sismomètre est caractérisé par une période propre d'oscillation, qui sera par exemple fonction, dans un pendule vertical, de la valeur de la masse, et de la raideur du ressort de rappel. Dans le cas d'un sismomètre non amorti, des vibrations du sol dont la période approcherait la période propre de l'appareil le feraient entrer en résonance : les mouvements de la masse seraient amplifiés de façon importante. Même amorti, un sismomètre restera plus sensible aux vibrations proches de sa période propre ; son utilisation sera donc étroitement liée à sa période propre. Un sismomètre à courte période propre (de l'ordre de 1 seconde) sera ainsi sensible aux vibrations à haute fréquence (c'est-à-dire courte période) engendrées par des séismes proches. Pour l'étude des ondes sismiques à grande distance, sachant que plus le trajet parcouru est long, plus les hautes fréquences disparaissent du signal, on aura besoin d'un appareil à plus longue période propre (classiquement une vingtaine de secondes).
Il faut enfin savoir que lors de la conception d'un sismomètre, on peut jouer sur sa période propre pour l'adapter à la mesure de telle ou telle caractéristique du mouvement du sol. En effet, le rapport entre la période de résonance du sismomètre et celle des mouvements du sol joue un rôle fondamental sur le paramètre auquel le sismomètre est sensible : le déplacement, la vitesse, ou l'accélération du sol. Selon l'ordre de grandeur de ce rapport, le mouvement de la masse sera proportionnel au déplacement du sol (le déplacement statique, c'est-à-dire la déformation permanente induite par le séisme), à la vitesse de déplacement du sol, ou à son accélération. La plupart des sismomètres sont des vélocimètres, sensibles à la vitesse de déplacement du sol. On construit aussi des accéléromètres pour l'étude des mouvements forts : en génie parasismique, on s'intéresse plutôt à l'accélération du sol, qui permet de remonter plus directement aux forces appliquées aux bâtiments lors d'un tremblement de terre. Les appareils sensibles au déplacement statique sont beaucoup plus rares.
Une bobine conductrice en mouvement dans un champ magnétique sera le siège d'une force électromotrice qui provoque un courant induit dans la bobine si le circuit est fermé.
Les sismomètres exploitent cette propriété : la masse est couplée à un aimant et oscille à l'intérieur d'une bobine de fil de cuivre, ou elle est couplée à une bobine et oscille dans l'entrefer d'un aimant.
Quelle que soit la solution technique retenue, le résultat est le même : un courant électrique est induit dans la bobine, et la tension aux bornes de celle-ci sera proportionnelle à la vitesse du déplacement relatif de l'aimant et de la bobine.
On peut donc mesurer aux bornes de la bobine une tension proportionnelle à la vitesse de la masse.
Pour mesurer les mouvements du sol, il est indispensable de quantifier ceux de la masse interne du sismomètre. La technique généralement adoptée utilise la conversion en courant électrique des oscillations de la masse, en utilisant les propriétés d'induction électro-magnétique dans une bobine conductrice (voir ci-contre). Dans le cas d'un vélocimètre, sensible à la vitesse de déplacement du sol, on aura une relation directe de proportionnalité entre la tension de sortie de la bobine et la vitesse du sol.
La véritable mesure réalisée est donc celle de la tension aux bornes d'une bobine. Cette mesure est faite en continu : on peut se figurer un voltmètre branché en permanence, à l'affût des moindres fluctuations de la tension de sortie. Reste alors à donner une forme utilisable à ce signal, et donc à passer de la mesure d'une tension à un sismogramme. Pour cela, il existe deux options:
On appelle analogique, par opposition à numérique, un signal dans lequel est représentée la variation continue d'une certaine grandeur.
Un tambour passé au noir de fumée, ou une boucle de papier défilant, sur lesquels un stylet ou une plume asservis au signal de tension d'un sismomètre laissent une trace continue, constitueront des dispositifs d'enregistrement analogiques.
La chaîne d'acquisition des données se lit de gauche à droite :
L'enregistrement d'un tremblement de terre s'appelle un sismogramme ; sous sa forme la plus classique et la plus pratique, il consiste en une représentation de l'amplitude des mouvements du sol (en général vitesse ou accélération) en fonction du temps. Sa construction suppose donc la connaissance précise, pour chaque point de mesure du mouvement du sol, de l'heure exacte à laquelle la mesure a été faite. Ce problème de datation est d'autant plus crucial que c'est souvent en comparant des signaux enregistrés par plusieurs appareils, parfois très distants les uns des autres, que l'on obtient des renseignements intéressants sur la source sismique (le séisme lui-même) ou la structure des régions traversées par les ondes sismiques.
L'horloge interne permet de dater avec précision chaque point de l'enregistrement, mais qui met à l'heure l'horloge interne? C'est le récepteur horaire externe, qui reçoit des messages porteurs du temps absolu grâce auxquels l'horloge interne se recale régulièrement.
Historiquement, le temps absolu était diffusé par voie hertzienne (via des ondes radio émises par des antennes terrestres) ; aujourd'hui, ce système existe toujours localement, mais on utilise de plus en plus le message horaire émis par les satellites de positionnement du système GPS, qui présente l'avantage d'être disponible sur l'ensemble de la surface de la Terre.
Le numériseur comprend une horloge interne destinée à dater chaque point de l'enregistrement. Mais toute horloge, si précise soit-elle, finit toujours par prendre de l'avance ou du retard : on dit qu'elle dérive. On lui associe donc un récepteur de temps, qui est relié à un système international de diffusion du temps absolu. L'horloge interne est ainsi régulièrement resynchronisée, et permet de connaître l'heure à tout instant, avec une précision de quelques centièmes voire millièmes de secondes.
Une fois le signal enregistré, qu'il soit analogique ou numérique, on peut avoir besoin de le transmettre à un opérateur distant. C'est par exemple le cas pour le Réseau de Surveillance Sismique des Pyrénées, où 20 stations situées le long de la chaîne transmettent leurs données au site central toulousain. Plusieurs technologies sont alors disponibles selon la nature du signal :
Etant donné la rapidité d'évolution du secteur des communications, les techniques de transmission utilisées dans la chaîne d'acquisition sismologique se renouvellent perpétuellement. Au contraire, la technologie des capteurs (sismomètres) évolue désormais très peu.