Les Réseaux de surveillance sismique dans les Pyrénées

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Étude de la sismicité des vallées de Gripp/Payolle (Hautes-Pyrénées)

Contexte de l’étude :

Depuis le mois de Juin 2020, la vallée de Gripp au Sud de Campan (Hautes-Pyrénées, voir Figure 1) est secouée par des milliers de petits évènements sismiques. Deux « essaims » bien distincts se sont activés, composés de plusieurs centaines de séismes de magnitude inférieur à 2. Dans cette région, la sismicité « classique » passée, plus diffuse, s’étend plus au Nord dans la vallée de l’Adour, proche de la faille Nord-Pyrénéenne (Figure 1). Ce type de sismicité « en essaim », très localisée, de faible magnitude, est souvent associé à des mouvements de fluide/gaz s’infiltrant dans des failles.

Un histogramme (Figure 2) représente l’évolution du nombre de séismes dans la vallée de Gripp (cadre rouge, figure 1) au cours du temps depuis 1997 à aujourd’hui. Ces deux figures montrent que la sismicité dans cette région était relativement faible voir quasi-nulle avant l’apparition de ces essaims.

Figure 1 : Carte de la sismicité de la zone de l’étude entre 1997 et 2021.

Figure 2 : Histogramme de la sismicité depuis 1997 dans la zone de l’étude (encadré rouge de la figure 1)

Le 20 Septembre 2020, deux phénomènes simultanés se produisent : le deuxième essaim s’active proche d’Artigues et l’Adour de Payolle a soudainement disparu dans une cavité proche de Sainte marie de Campan (Figure 1), le long de la faille Nord-Pyrénéenne tarissant la rivière sur plusieurs centaines de mètre, obligeant EDF à augmenter le débit du barrage en amont et colmater la cavité (lire article de la Depeche – Andy Barréjot, 2020)1.

Ce phénomène hydrologique s’est déjà produit par le passé, dans les années 1700-1800 (Adisson 2008)2. L’auteur reliait l’apparition de plusieurs gouffres dans l’Adour de Payolle et des séismes ressentis peu de temps auparavant.

La distance entre le deuxième essaim et la cavité est de plusieurs kilomètres (Figure 1), il est donc difficile d’imaginer au premier abord un lien direct entre ces deux évènements, mais cette simultanéité temporelle interroge. La faille Nord-Pyrénéenne longe donc un karst (massif calcaire dans lequel l’eau a creusé de nombreuses cavités), or plusieurs études, combinant des analyses de déformation par GPS et localisations fines de séismes ont montré qu’il pouvait exister un lien entre les cycles de charges/décharges du karst et l’apparition de micro-sismicité (ex: Craig et al. 2017)3.

Notre but est d’étudier cette crise sismique inédite, en la localisant de manière plus fine et en étudiant ses liens avec des potentiels mouvements de fluides ( en surface ou en profondeur le long des failles), des mouvements tectoniques, et/ou avec le cycle du karst. Cette étude est d’autant plus motivée par le fait que la zone active est située proche de la faille du pic du midi, qui pourrait être à l’origine du séisme destructeur de 1660 (Chaillou & Gillan 2002)4.

Le second essaim, qui semblait s'éteindre après l'hiver 2021, s'est «réactivé» brusquement en Septembre avec plusieurs évènements de magnitude supérieure à 2 et un évènement de magnitude 3, le 10 Septembre 2021.

Instrumentation :

Quatre stations sismologiques temporaires ont été déployées (Figure 3) entre Octobre 2020 et Juillet 2021 afin de relocaliser les séismes plus finement dans cette région, et ainsi corriger les incertitudes de localisations des catalogues reposant sur l’analyse de stations plus lointaines. Les stations ont été déployées autour de la sismicité, la première à Sainte Marie de Campan, au Nord de la sismicité et proche de la cavité de l’Adour de Payolle. La seconde se situe sur la commune d’Artigues, au dessus du deuxième essaim, la troisième est au Pic du Midi plus à l’Ouest et la quatrième a été placée proche du Lac de Gréziolle (Figure 4).
Nous cherchons à déterminer si les séismes sont générés par des mouvements de fluides et s’ils ont une signature spécifique dans le signal sismique (une même aspérité cassant plusieurs fois sous l’impact du fluide, avec des variations de magnitudes directement due à des variations de pressions de pore, ainsi qu’observé par Lengliné et al. 2014)5.

Les essaims sismiques se produisent parfois lors de mouvements asismiques de plaques tectoniques. Est-ce le cas ici ? On s’appuiera sur l’interprétation de données INSAR d’une part et nous installerons 2 GPS (Figure 3) le long de la faille Nord Pyrénéenne afin d’observer aussi bien les cycles de charges et de décharges du système Karstique que les mouvements tectoniques éventuels, plus long terme.

Figure 3 : Localisation des stations sismologique et des GPS en fonction de la sismicité entre 2020 et 2021.

Figure 4 : Photo de l’installation d’une station sismologique temporaire.

La figure 5 montre la sismicité relocalisée à partir des stations sismologiques permanentes et temporaires, la couleur représente la profondeur de la sismicité.
Ce premier travail permet de mieux contraindre la localisation et l'étendue de ces 2 essaims de sismicité. La sismicité se concentre en fait sur quelques kilomètres à peine, avec un même alignement pour les deux essaims Nord-Ouest/Sud-Est avec un approfondissement de la sismicité vers le Nord-Est, comme le montre en 3D la figure 6.

Figure 5 : Localisation plus fine de la sismicité grâce à l’ajout de stations sismologiques temporaires.

Figure 6 : Représentation 3D de la sismicité dans la zone de l’étude. Les barres verticales rouges représente l’incertitude verticale.

Références :