PYROPE
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PYROPE : MOTIVATIONS ET HISTORIQUE

exemple d'un projet de couverture par des sismomètres des Etats Unis

DANS LE MONDE : ETATS-UNIS ET ESPAGNE

Les recherches sur la structure interne et la dynamique de la Terre connaissent actuellement un développement rapide et massif dans de nombreux pays du monde. En Amérique du Nord, la composante dite “Bigfoot” du programme “USArray” (http://www.earthscope.org/observatories/usarray), qui verra le territoire des Etats-Unis couvert par un réseau de 400 stations sismologiques portables disposées tous les 70 kilomètres, permettra aux sismologues d'imager les structures profondes de la Terre avec une précision inégalée. A n'en pas douter, ces nouvelles images révolutionneront notre compréhension de la dynamique du manteau terrestre et de la tectonique des plaques.

Alors que le déploiement USArray a débuté en 2006, des initiatives similaires ont été lancées pour l'étude du continent européen ; elles ont hélas souffert jusqu'à présent de la difficulté à mettre en place un programme commun par des états ayant des priorités scientifiques différentes. Cependant, des projets individuels ont été lancés à une échelle nationale. Parmi ceux-ci se distingue particulièrement le projet TOPO-IBERIA (http://www.ija.csic.es/gt/rc/LSD/PRJ/indexTOPOIBERIA.html ), proposé par la communauté espagnole des Sciences de la Terre, et financé par le Ministère Espagnol de l'Education et de la Science.carte du projet TOPO-IBERIA Ce projet, qui a débuté au début 2007, contient une composante sismologique importante, “Iber-Array”, qui consiste en un déploiement en trois étapes d'un réseau d'environ 70 instruments de grande qualité, couvrant l'ensemble de la Péninsule Ibérique avec une maille de 70 kilomètres environ. La trosième phase de ce déploiement, programmée pour la fin 2010, couvrira le nord de la péninsule jusqu'à la frontière franco-espagnole.





EN FRANCE : L'ANTENNE SISMOLOGIQUE RESIF ET LE “FRANCE-ARRAY”

Dans le même temps, une Structure de Recherche Européenne, EPOS (European Plate Observatory System) est en train de voir le jour, dans le cadre européen de la “feuille de route” ESFRI ( European Strategy Forum on Research Infrastructure).

La contribution principale de la France à cette infrastructure européenne se fera dans le cadre du déploiement d'une “antenne” sismologique et géodésique sur son territoire (EPOS-RESIF : http://www.resif.fr). Ce réseau a été approuvé et reconnu comme TGE (Très Grand Equipement) par le Ministère de la Recherche.EPOS-RESIF Il permettra d'appréhender des questions scientifiques et sociétales de première importance, parmi lesquelles l'imagerie des structures et la dynamique de la plaque européenne, l'évaluation du risque sismique, ou la gestion des ressources naturelles. EPOS-RESIF sera composé d'une antenne multi-échelles de stations permanentes installées en France métroplitaine, et d'un parc d'environ 250 stations sismologiques mobiles. Une partie de cette composante flexible sera dédiée à compléter et densifier l'ossature permanente afin de permettre la couverture de la France par un réseau dense et homogène, en trois ou quatre phases successives, à l'instar de ce qui a lieu en Espagne dans le cadre de TOPO-IBERIA. Cette initiative “France-Array” améliorera de façon très importante les capacités de l'antenne permanente, en particulier pour l'imagerie des structures profondes sous la France.


PYROPE : PREMIERE PHASE DU “FRANCE-ARRAY”

carte de PYROPE

PYROPE (PYRenean Observational Portable Experiment) a donc été conçu comme la première contribution à grande échelle à l'initiative “France-Array”. Profitant de l'opportunité unique que constitue la phase finale du projet espagnol TOPO-IBERIA, il consistera en un déploiement massif dès la fin de l'année 2010 d'un réseau dense de stations sur le sud-ouest de la France. Pour la première fois dans le monde, une chaîne de montagnes, les Pyrénées, pourra donc être étudiée dans son ensemble de façon cohérente par une équipe scientifique multidisciplinaire (géologie, géophysique), internationale (France, Espagne), regroupant plus de 25 chercheurs de sept instituts différents.

Alors que la couverture globale de la France (et de l'Europe) reste l'objectif à long terme de ce programme, il permettra dans un premier temps à la communauté des Sciences de la Terre de regarder sous un nouveau jour les Pyrénées, qui sont l'un des très rares laboratoires naturels d'accès facile, où les concepts fondamentaux de la tectonique des plaques peuvent être confrontés aux observations géologiques et géophysiques.

Depuis son émergence à la fin des années 1960, la théorie aujourd'hui universellement acceptée de la tectonique des plaques a été utilisée pour expliquer l'ouverture du Golfe de Gascogne et la rotation de la plaque Ibérique par rapport à l'Europe (travaux de Le Pichon et collaborateurs, 1970 1 ; Le Pichon et Sibuet, 1971 2). Depuis ces travaux fondateurs, les modèles cinématiques de l'Ibérie ont cependant souvent été remis en question, et différents modèles de formation des Pyrénées ont été proposés (par exemple par Choukroune et Mattauer, 1978 3 ; Olivet, 1996 4; Sibuet et collaborateurs, 2004 5). Ces modèles invoquent des mécanismes d'ouverture Ibérie/Europe très variés, allant d'un coulissage pur à une ouverture simple en ciseaux. Un résultat important provenant d'études géologiques récentes réalisées en différents endroits de la planète est que l'on trouve du manteau lithosphérique subcontinental exposé au pied de la plupart des marges passives non volcaniques (les zones de transition entre domaine continental et domaine océanique). Ces découvertes éclairent d'un nouveau jour les affleurements de roches du manteau (lherzolites) que l'on trouve dispersés le long de dépôts sédimentaires Mésozoïques le long de la Faille Nord-Pyrénéenne, et que l'on interprète donc désormais comme des exhumations mantelliques le long d'une ancienne marge passive (travaux de Lagabrielle et Bodinier, 2008 6). Ces nouveaux résultats remettent en cause toutes les connaissances anciennes, et rendent nécessaires de nouvelles reconstructions paléogéographiques qui auront à leur tour des conséquences essentielles sur l'interprétation des structures profondes sous les Pyrénées.

plaque iberie en collision avec la plaque eurasie

Le déploiement de stations proposé dans le cadre de PYROPE permettra d'imager proprement ces structures profondes, et d'apporter des réponses catégoriques et de premier ordre pour la compréhension de la formation des Pyrénées et la connaissance de l'histoire géologique récente d'une grande partie du territoire français. Par exemple, il permettra aux sismologues de cartographier la frontière entre la croûte et le manteau terrestre (ou Moho), une limite géologique de premier ordre, qui est très insuffisamment connue en de nombreux endroits. L'imagerie à haute résolution permettra également de bien mieux caractériser les modèles 3D de vitesses sismiques et d'atténuation, qui sont des paramètres clés pour la quantification du risque sismique. Ceci est particulièrement crucial dans le cas des Pyrénées, dont la structure profonde très hétérogène fait que la propagation des ondes sismiques est très complexe et encore mal connue. Une conséquence de cette complexité est la difficulté à localiser avec une très grande précision les séismes pyrénéens ; on comprend ainsi le bénéfice que la connaissance de la sismicité pyrénéenne pourra tirer de l'imagerie 3D à haute résolution qui constitue l'un des objectifs principaux du projet PYROPE.

Le projet PYROPE est donc un programme aux objectifs multiples, ambitieux, international, fédérant de nombreux instituts, soutenu par l'ensemble de la communauté sismologique française. Sa réussite constituera une belle vitrine de la Science française et européenne.

carte de la sismicite sur les pyrénés entre 1989 et 2009

Références

  1. Le Pichon, X., J. Bonnin, et J. C. Sibuet, La faille nord-pyrénéenne : faille transformante liée à l'ouverture du Golfe de Gascogne, C. R. Acad. Sc., 271, 1941-1944, 1970.
  2. Le Pichon, X., et J. C. Sibuet, Comments on the evolution of the Northe-East Atlantic, Nature, 233, 257-258, 1971.
  3. Choukroune, P., et M. Mattauer, Tectonique des plaques et Pyrénées : sur le fonctionnement de la faille transformante nord-pyrénéenne ; comparaisons avec les modèles actuels, Bull. Soc. Géol. France, 20, 689-700, 1978.
  4. Olivet, J. L., La cinématique de la plaque ibérique, Bull. Centres de Recherche Elf, 1996.
  5. Sibuet, J. C., S. P. Srivastava, and W. Spakman, Pyrenean orogeny and plate kinematics, J. Geophys. Res., 109, Art. No. B08104, 2004.
  6. Lagabrielle, Y. et J. L. Bodinier, Submarine reworking of exhumed subcontinental mantle rocks: field evidence from the Lherz peridotites, French Pyrenees, Terra Nova, 20, 11-21, 2008.